A la disposition des agents pour publier des textes qu’ils peuvent avoir envie d’écrire sur les conditions de leurs activités professionnelles, nous publions aujourd’hui le texte qui suit, écrit par des enseignants du Conservatoire de Musique et de Danse à Rayonnement Départemental des Ardennes (qui relève de la Communauté d’Agglomération Ardenne Métropole) :
» Lors du premier confinement, les enseignants ont su faire preuve d’initiative et de créativité pour maintenir une continuité de service public en gardant un suivi pédagogique de leurs élèves.
Ils ont travaillé avec leurs appareils informatiques personnels en utilisant des outils numériques jusqu’alors très peu voire pas du tout exploités. Certains ont même acheté du matériel en raison de la panne de leurs anciens matériels trop sollicités (ou parce qu’ils n’étaient pas équipés). Sur leurs deniers personnels et sans prime Covid puisque l’Agglo ne nous considère pas comme un service essentiel.
Depuis le confinement du 29 octobre dernier, notre façon de travailler a de nouveau changé mais rien -ou presque- n’a évolué un mois plus tard côté Agglo. Ardenne-Métropole aurait commandé des « tablettes ». Elles devraient être distribuées prochainement mais le moins qu’on puisse constater c’est l’absence d’anticipation… depuis le premier confinement !
Pour ce 2ème confinement l’agglomération a choisi d’utiliser Zoom. Un logiciel américain qui a connu des failles de sécurité importantes par le passé alors même que nous donnons des cours à des mineurs et que nous filmons tous – en arrière-plan – nos domiciles privés respectifs ! De plus, nous n’avons toujours pas accès à la version Abonnement : nous n’avons pas d’autre choix que la version gratuite limitée à 40 minutes, ce qui nous oblige à relancer souvent une nouvelle réunion zoom pour terminer un cours et donc à perdre beaucoup de temps…
L’Agglo n’a donc tiré aucune leçon du 1er confinement, sauf pour la facturation qui est sa préoccupation principale.
Pour cela, en plus de nos heures de « face à face » pédagogique, en plus de nos préparations de cours (démultipliées car tout doit être numérisé, classé, stocké,…), en plus des mails envoyés pour l’organisation du cours en visio (envoi à chaque cours d’un lien), en plus des mails de relances auprès des élèves, en plus des appels (avec nos téléphones personnels) pour relancer une famille qui ne répond pas ou pour répondre à un parent sur une question musicale ou d’horaires, en plus des recherches pour trouver des outils pédagogiques innovants et plus adaptés à cette situation nouvelle, NOUS devons REMPLIR une feuille de présence (en numérique et en papier) ET faire UN RAPPORT hebdomadaire des activités de chaque élève ! Sachant que certains d’entre nous ont plus de 70 élèves.
Toutes ces tâches administratives réclament un temps considérable et ne sont justifiées par notre hiérarchie que par des aspects financiers !
OUI, nous en sommes là ! Ils en sont là ! Il ne s’agit pas de faire remonter des informations sur les difficultés de communication avec les familles pour comprendre les problèmes des usagers et y trouver des solutions pour un meilleur enseignement artistique : il s’agit de permettre un bon suivi de la facturation !
Même pour les familles qui ne parviennent pas à utiliser les outils informatiques pour les cours à distance !
Toutes ces exigences bureaucratiques ont très probablement aussi pour but de surveiller notre activité pendant le confinement . Que notre hiérarchie se rassure : nous travaillons et nous travaillons même beaucoup plus (pour l’immense majorité d’entre nous) pour assurer nos cours !
Nous ne sommes pas des agents essentiels !
Le principe est que l’enseignant a droit à la liberté des outils pédagogiques qu’il met en place dans son enseignement. Mais ce n’est pas le cas. L’Agglo nous oblige à faire cours chaque semaine en visio ou en présentiel alors que pour certaines matières ou instruments, il serait plus efficace de donner un cours d’une heure toutes les deux semaines plutôt que deux cours hebdomadaires de 30 minutes !
Certains professeurs réalisent des montages vidéo (très chronophages) pour créer des orchestres virtuels en vue de maintenir une cohésion de classe. Mais ces initiatives, en plus des heures de visio, des cours en présentiel et des autres tâches exigées, restent sans considération.
Nous travaillons sans aucun moyen technique et sans aucun soutien logistique malgré les annonces dont nous attendons encore les effets concrets. Une forte pression s’exerce sur nous au profit exclusif de la gestion financière du conservatoire et non de sa gestion pédagogique.
Cette pression constante de la hiérarchie et ce manque de moyen créent une véritable souffrance au travail. Certains enseignants sont épuisés mais ne consultent pas leur médecin – au prix de leur santé physique et psychologique – pour ne pas pénaliser leurs élèves !
D’autres se sentent trahis par cette surveillance qui les infantilise et qui les empêche de mettre en place les outils pédagogiques qu’ils estiment les mieux adaptés : car qui mieux qu’eux pourrait définir le meilleur moyen de garder le contact avec les usagers, élèves et familles ?
Enfin, le CRD n’a toujours pas de directeur et nous ne méritons certainement aucune information à ce sujet depuis des mois…
Oui, nous l’avons bien compris : l’enseignement de la musique et de la danse n’est pas une activité essentielle pour Ardenne Métropole, par conséquent nous ne sommes pas des agents essentiels. Pourtant, par notre enseignement nous participons à la pérennité des évènements culturels d’aujourd’hui et nous préparons les conditions de la création culturelle de demain sur le territoire. Dommage que cela ne soit pas entendu !
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